Tout commence dans la petite patrie intérieure

Ma correspondance avec Larousse le 12 avril 2013

bisou-francais1Comme beaucoup de français, j'ai écrit à Larousse suite au changement de la définition du mot "mariage" que leurs équipes ont entérinées pour l'édition 2014 à paraître en juin prochain. Voici la retranscription de notre échange.

 livres-larousse@larousse.fr

 Madame, Monsieur, 

Constatant l'empressement dont vous faites montre, par-delà votre belle mission d’enseigner les français, pour adapter votre dictionnaire à la potentielle promulgation d’une loi française modifiant le sens du mariage républicain, je me permets de vous faire état de mon désarroi.

En effet, fier possesseur de mon Larousse de poche, je crois avec beaucoup de mes compatriotes que le dictionnaire doit rester universel et qu’il ne doit pas devenir l’instrument d’une dérive idéologique dont personne dans ce pays ne peut en mesurer les très probables dégâts sismiques sur la pensée des nouvelles générations qui se construisent dans nos foyers.

C’est la raison pour laquelle je vous confie l’âme en peine que mon esprit commerçant bannira désormais tout achat de livres et d’outils estampillés à votre marque.

Vous comprendrez, Madame, Monsieur, que nous et notre pays baignés dans une mondialisation ultralibérale nous situons sur une ligne de crête dont le moindre de nos choix doit être pesé à l’orée des enjeux qui s’y attachent : la valorisation de la personne humaine comme un être sacré accueillant mystérieusement la vie et recevant humblement la mort.

Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de mes sentiments les meilleurs,

Vive la France !

Victor Vieilfault

 

" Les éditions Larousse tiennent à préciser que la mise à jour de la définition du mariage dans le Petit Larousse 2014 à paraître n’est aucunement liée à une prise de position dans le débat aujourd’hui en cours en France. Elle correspond uniquement à l’enregistrement factuel de l’élargissement de la notion juridique du mariage dans un certain nombre de pays (dont 6 pays de l’Union européenne) qui ont reconnu le mariage entre individus du même sexe.

Ce faisant, loin de s’immiscer dans le débat parlementaire en France et d’en préjuger l’issue, les éditions Larousse s’inscrivent dans leur stricte mission encyclopédique."

 

Madame, Monsieur,

Merci pour votre réponse. Néanmoins elle ne fait malheureusement que renforcer mon désarroi. La langue française est l'écrin de la pensée française affinée à travers les siècles par la tradition chrétienne et l'esprit des Lumières. Si d'autres patries décident de vider de leurs substances des mots précieux qui ont autrefois chanté la beauté de la transmission des générations dans la grâce de l'union fidèle c'est leur choix. Laissons les "huwelijk", "matrimonio", "äktenskap", "casamento" et autres "ægteskab" tomber dans le bain sans âme de la langue numérique mondiale sans saveur. Nous, messieurs, mesdames, on est la France. Et la France c'est la finesse et l'élégance, la précision et l'indépendance, une lumière et une chance.
Vive la France!
Tout commence.
Hauts les coeurs!

Victor Vieilfault

 

" Les éditions Larousse tiennent à préciser que la mise à jour de la définition du mariage dans le Petit Larousse 2014 à paraître n’est aucunement liée à une prise de position dans le débat aujourd’hui en cours en France. Elle correspond uniquement à l’enregistrement factuel de l’élargissement de la notion juridique du mariage dans un certain nombre de pays (dont 6 pays de l’Union européenne) qui ont reconnu le mariage entre individus du même sexe.

Ce faisant, loin de s’immiscer dans le débat parlementaire en France et d’en préjuger l’issue, les éditions Larousse s’inscrivent dans leur stricte mission encyclopédique."

 

Madame, Monsieur,

Alors que je prends le temps de construire mon raisonnement et de vous écrire personnellement dans un véritable souci de dialogue, vous ne m'offrez malheureusement que la face pâle et froide d'une réponse automatique qui bégaie.

Je déplore ce refroidissement du climat entre le citoyen et les auteurs qui irriguent son quotidien. Qui plus est entre les chevilles ouvrières de l'encyclopédie et ses lecteurs. Car si nous ne sommes pas capables ensemble, par l'entrechoquement des mots et l'éveil des arguments en fusion de réchauffer notre langue pour en percer petit à petit les mystères et les secrets qui s'y cachent nous nous condamnons volontairement à glisser dans l'abîme des raisonnements micro-onde qui préparent les cancers moraux de demain.

Une langue n'est pas un code qui permet à des individus de s'adresser des messages ou des informations. Elle est un être à part entière. Un être vivant qui communie avec un peuple, qui souffre lorsqu'on l'écorche, qui sourit quand on l'enlumine par la grâce du style. Elle est une personne. Elle est relation, incarnation d'un esprit qui vibre entre plusieurs personnes. Elle peut même devenir Esprit Saint lorsqu'elle porte avec insolence l'élan d'un coeur qui s'adresse au ciel.

De grâce, ne laissez pas la langue française se glacer dans un compartiment standard de la numérisation sans rime d'un monde qui éclate de toute part.

Les mots doivent s'enraciner dans la réalité, au risque de s'envoler avec les feuilles mortes d'une société masturbatoire qui tourne sur elle-même et qui se ferme la porte de la vie : la fécondité. Fécondité de la relation, fécondité de la raison, fécondité de la langue.

Recevez mes salutations distinguées.
Hauts les coeurs!

Victor Vieilfault

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A
C'est regrettable de lire une telle dénaturation de la langue française dans les propos d'un pseudo littérateur, dont la rhétorique alambiquée ne conduit qu'à cacher du vide, ou pour être aimable,<br /> un esprit réfractaire et stérile. Les mots ont toujours évolué, en témoigne le terme de "tolérantisme" - mon choix n'est pas anodin -, qui avait une signification plutôt péjorative, puisqu'il<br /> désignait un laxisme menant à l'anarchie ou à la décadence, et que Voltaire (oui, un des philosophes des Lumières dont vous vous revendiquez) récupère, en lui donnant une portée positive dans ses<br /> écrits, et réussit à entériner. Il y a des mots qu'il faut reprendre afin de les redéfinir. Les mots ensemencent ; les mots voyagent. Heureusement que la langue française n'est pas figée, et que<br /> les mots s'enrichissent tous les jours de significations nouvelles, sans "se vider de leur substance". Heureusement qu'ils évoluent dans un sens ou dans un autre, et témoignent du réel. Il ne<br /> faudrait pas oublier non plus qu'au Canada ou en Belgique, deux pays francophones, les couples de même sexe peuvent se marier.<br /> Un dernier point avant de vous quitter, car cela m'inquiète plus que tout. Ne mêlez pas la tradition chrétienne et l'esprit des Lumières... Ne serait-ce parce que ces dernières sont foncièrement<br /> plurielles, contrairement à la première. Ayons au moins le courage de nous servir de notre propre entendement là-dessus - je ne peux que vous conseiller la lecture de La Harpe. De la même façon, je<br /> vous en prie, épargnez vos lecteurs de votre "hauts les coeurs", qui n'a d'ailleurs aucun sens, puisque "haut" étant adverbial, il faut écrire "haut les coeurs". Ne venez pas, après ça, vous faire<br /> le défenseur de la langue française... A moins que vous ne donniez une redéfinition de l'expression, tel Voltaire ou le dictionnaire Larousse ? Mais alors, nous serions sur la même longueur d'onde<br /> ?<br /> Je vous prie de croire en l'expression de mes sentiments les meilleurs, et à bientôt lors d'un prochain kiss-in (il y aurait également à disserter sur cet anglicisme).
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L
aimeraient pardon;)
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V
<br /> <br /> ;) Merci chère Laure.<br /> <br /> <br /> <br />
L
Je suis impressionnée par la justesse de tes mots qui traduisent ce que tant de français aimerait crier...! Merci Victor !
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