Tout commence dans la petite patrie intérieure

Notre-Dame de Paris, première en chemin

La flèche de Notre-Dame s’est embrasée dans nos cœurs désolés. Elle a transpercé notre chair sans crier gare, comme un voleur qui surgit en pleine nuit. C’était un lundi saint, le soleil s’éteignait peu à peu sur Paris lorsqu’une torche nous a réveillé. C’était un soir de printemps, le coq rougissait de frayeur lorsqu’une bourrasque de feu l’a précipité plus bas que la voûte, sous un ciel charriant des gouttes de feu. Incandescent, coincé dans les poutres ensanglantées, l’animal de bronze a récupéré le cor de Roland suspendu à la charpente de notre Histoire. Et dans le chaos des fumées et des sirènes nous avons entendu un râle lointain, un chant tremblotant, suffoquant, distillant ses effluves d’agonie dans nos entrailles serrées, toutes mouillées de chagrin. Les cloches du Ciel ne sont pas accrochées aux beffrois de Notre-Dame, elles sont suspendues au-dedans de nous.

Lorsqu’elles tonnent elles dégagent un parfum, lorsqu’elles sonnent quelque chose en nous-même comme une membrane frisonne et parcourt l’échine. Un peu comme un regard effleurant la peau d’une dame, les pensées qui vont à Notre-Dame font fleurir de désirs ce qui jamais au fond de nous ne peut mentir : notre âme.

L’élan du cœur ne se commande pas. Il est comme la vague qui vient rafraîchir le rocher. Il s’observe. Le commandant des marées n’est pas le phare. Le commentaire qui enrobe la générosité populaire n’a pas le pouvoir de tordre le verbe qui, dans le for intime, déclenche le don. Le capitaine qui arrime le don à une cause n’est pas la raison, c’est le vent. Celui dont il est dit qu’on ne sait ni d’où il vient ni où il va.

Merci Seigneur de me donner un cœur rempli de gratitude lorsque j’aperçois cette veuve verser dans le tronc blessé de ta Cathédrale une obole de quelques piécettes ; lorsque j’entends répéter la longue litanie des noms qui accolent leur renommée et une partie de leur fortune à la restauration de ton sanctuaire de pierres ; lorsque j’admire la fougue de cet ami prêt à donner une allée de chênes entière pour reconstruire ta maison. En accordant une part de leur héritage, de leur richesse, tous ces donateurs percent dans les sous-sols de notre société de nouvelles galeries de solidarités.

Comme la puissance d’un désir amoureux enlace notre volonté, la tempête qui a déchiré le Ciel de Notre-Dame de Paris, creuse en nous-mêmes de nouveaux passages. Un peu comme le ver de terre permet sous les cultures de catalyser les échanges, celui qui donne pour rebâtir une Cathédrale, tel un minier, fore des corridors qui permettront un jour à tel donateur de s’émouvoir devant telle misère qui le fera frissonner.

Car une cathédrale n’est pas un simple amas de pierres sublimées par une histoire millénaire. Donner pour une cathédrale c’est aussi dévoiler à soi-même et aux autres les trésors cachés que l’on porte en soi-même. Comme des cathédrales, nos corps sont des écrins magnifiant la Présence réelle adorée par les chrétiens depuis deux mille ans. A Notre-Dame de Paris, c’est un simple morceau de pain qui récapitule le sens de l’histoire personnelle et sacrée de chacun. En laissant les flammes dévorer sa robe de pierres, la Vierge Marie a dépouillé sa Cathédrale de ses atours flamboyants pour focaliser les regards vers l’essentiel : le corps de son Fils, Jésus-Christ, Lui-même fils du Dieu vivant, offert en nourriture pour nous, pauvres pécheurs de France et d’ailleurs. Ce morceau de pain est sans doute la clé de nos sources intérieures scellées par les péchés que nous n’osons pas reconnaître.

N’est-il pas venu le moment, pour la France en particulier, fille aînée de l’Église, de croquer à pleines dents dans ce mystère que nos paysages et notre patrimoine évoquent avec tant de finesses et de clartés ?

Les élans de générosités se conjuguent pour ceux qui croient que tous les hommes sont appelés à ne faire qu’un seul corps.

Notre Dame, s’il vous plaît, ouvrez nos cœurs en grands, pour accueillir tous les Hommes dans votre Maison.

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